Quelle est la morale d'Antigone de Jean Anouilh

Quelle est la morale d'Antigone de Jean Anouilh

Découvrez ici la morale d'Antigone de Jean Anouilh, représentée pour la première fois à Paris en 1944, sous l'occupation. Le mythe d'Antigone à inspiré de nombreux dramaturges, dont Sophocle et Racine. Anouilh écrit à propos de la pièce : L'Antigone de Sophocle, lue et relue, et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre.

Image : Antigone enterrant son frère. Peinture de Nikiforos Lytras

Le contexte historique

La France est vaincue et occupée. Le Nord est contrôlé par les Allemands et le Sud est sous le joug de Pétain (régime de Vichy). Le 18 juin 1940, le général De Gaulle lance un appel à la Résistance depuis Londres. Cette résistance sera d'abord sporadique et il faudra attendre le débarquement américain en Normandie de juin 1944 pour reconquérir le territoire français.

La pièce de Jean Anouilh sera représenté en février 1944, soit quelques mois avant ce débarquement. Un fait divers, survenu en 1942, aurait inspiré Anouilh : Paul Collette tira sur des collaborationnistes de la Légion des Volontaires Français (LVF) qui se réunissaient à Versailles. Cet acte de résistance, isolé et désespéré, inspire à Anouilh une réinterprétation personnelle du mythe d'Antigone.

Le genre et le registre de la pièce

Antigone est un drame, c'est-à-dire une pièce de théâtre. Le registre de la pièce est la tragédie, qui vise à créer chez le spectateur crainte et pitié. La tragédie permet aux spectateurs de vivre par procuration des drames horribles et ainsi laver ses passions : Aristote appelait ça la catharsis.

Article pratique : Liste des différents genres littéraires

Quelle différence avec l'Antigone de Sophocle ?

Le texte d'Anouilh est fidèle au mythe et proche de la tragédie de Sophocle, mais il se distingue par plusieurs aspects :

  • Créon n'est pas présenté comme un dictateur mais comme une victime : il endosse un rôle qui est un fardeau quotidien et qui le dépasse.
  • La dimension religieuse du texte d'Anouilh est bien moindre, alors qu'elle est centrale dans la version de Sophocle. Le texte d'Anouilh est né dans un contexte historique et politique particulier, sous l'occupation nazie.
  • Les anachronismes : Anouilh inclut des éléments modernes dans un mythe antique. Par exemple, les gardes jouent aux cartes (ce qui est un anachronisme puisque les cartes sont inventés bien plus tard dans l'histoire), ils portent des chapeaux et non des casques, Anouilh leur donne la parole et ils parlent de leur quotidien, ce qui est impensable du temps de Sophocle. Les soldats n'avaient pas la parole.
  • Les personnages ont des postures familières, moins formelles que ceux de Sophocle, voire banales et parfois joyeuses, comme Ismène, qui aime danser. Tout n'est pas aussi tragique que ce devrait l'être. Dans la tragédie grecque, tous les personnages principaux sont au contraire sublimés et présentés comme des êtres surhumains, tout y est sérieux, la mort rôde et pèse sur tous les aspects du quotidien, même les plus insignifiants. En outre, les personnages sont présentés les uns après les autres, selon le lien de proximité qui les unie à Antigone, y compris les personnages secondaires.
  • Le style littéraire : Anouilh écrit en prose et non en vers, dans un langage parfois familiers et non sublimé.

Les personnages d'Antigone et Créon

Antigone, héros tragique

Antigone est un symbole et un exemple de dévouement : elle assistera son père Oedipe jusqu'à la fin, avant de lutter pour enterrer son frère au prix de sa propre vie. Elle représente la résistance individuelle face à l'État, l'équité et la morale. Mais son destin est tragique, car elle est intransigeante, caractère qu'elle partage avec Créon, lui aussi intransigeant sur la loi, et lui aussi victime de sa propre intransigeance : son fils et sa femme en mourront.

Créon, gardien de l'ordre

Créon représente l'ordre établi, inébranlable. Pourtant, Anouilh le présente comme une victime qui endosse une charge qui le dépasse. Anouilh rend Créon plus humain que dans la pièce de Sophocle.

L'auteur reçut d'ailleurs des menaces de résistants, car il semblait presque excuser le comportement dictatorial de Créon (alias les collaborationnistes), et ce un an après la rafle du Vel'd'Hiv qui envoya des milliers de Juifs dans les camps. La pièce est ambiguë sur ce point et c'est ce qui créa la polémique : quand les uns voyaient en Créon le personnage principal et l'apologie de l'ordre établi, les autres ne juraient que par Antigone et la résistance qu'elle symbolise.

Antigone dans la mythologie

Antigone est le fruit de l'inceste entre Oedipe et sa mère Jocaste. Eschyle et Sophocle sont les premiers à s'emparer du mythe. Suivront d'autres dramaturges dont Racine et Anouilh.

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