Quelle est la morale de Voyage au bout de la nuit de Céline
Louis Ferdinand Céline fait trembler le monde littéraire en 1932 avec son premier roman Voyage au bout de la nuit, aujourd'hui considéré comme un chef d'oeuvre. Nous parlerons de la morale de cette oeuvre qui marqua un véritable tournant dans la littérature du XXe siècle. Céline développe un style très personnel, emprunt de l'argot et du parlé des faubourgs parisiens. À travers le personnage de Bardamu, Céline fait une critique incisive de la société française et dénonce tour à tour la guerre, la colonisation et le tournant que prend la mondialisation de l'économie.
L'absurdité de l'existence humaine
Le Voyage est un roman à tiroirs, un récit riche en péripéties et en inventions littéraires, dont le seul fil directeur sera Bardamu. On pourra y voir une tragédie, un roman d'apprentissage ou encore un roman à thèse, mais c'est surtout un roman unique, le premier de son genre.
Céline dépeint un homme en proie à l'absurdité de l'existence, à la misère et la mort, ainsi qu'à la folie collective. Il décrit l’errance métaphysique des hommes, condamnés à l’absurdité de l’existence et victimes de la folie des masses. La vie est un voyage sans fin et sans confort, on y erre puis on meurt. Si le ton est pessimiste voire nihiliste, il n'en demeure pas moins que Céline sait faire rire : certains passages sont plein de sarcasme et d'humour (le style littéraire à lui seul provoque ce rire), comme un édulcorant lancé au lecteur pour qu'il souffle un peu. Face à la folie, la misère et la mort, Céline développe le rire.
Les thèmes du roman
À travers Bardamu, Céline présente et démonte toutes les illusions des homme : l'héroïsme et la nation, la foi dans le progrès technique et scientifique, l’amour.
- La guerre et l'ordre militaire : c'est le nationalisme exacerbé qui provoque la grande guerre. Céline est contre la guerre, il la révoque tout à fait et délivre un plaidoyer pour la lâcheté et la paix. Il condamne aussi la hiérarchie, en particulier militaire.
- La vie déroutante : l'homme subit la loi du monde, il erre d'un événement à un autre, sans comprendre tout à fait, et se forge un destin dont il n'est pas maître
- Le colonialisme : Céline décrit la domination sauvage des colons sur les Africains et critique de façon acerbe la civilisation dont l'Occident se porte garant.
- Le capitalisme : Bardamu découvre le fordisme et l'aliénation par le travail. Céline dénonce la misère ouvrière sur laquelle se fonde le capitalisme sauvage.
- La nuit : c'est le symbole du roman, le thème roi, celui du néant métaphysique, du vide de l'existence, de la misère et de la mort.
Le style littéraire de Céline
Le style de Céline est unique, novateur pour l'époque et il l'est encore de nos jours. Le récit est écrit à la première personne, riche en exclamatives et points de suspension, gorgé du parlé populaire, mais aussi d'un vocabulaire recherché ou scientifiquement cru (Céline est médecin).
Le roman tient sa force du flot linéaire et intarissable de la pensée de Bardamu, que l'on suit au fil des événements qu'il subit. C'est le style incroyable de Céline qui prend le lecteur aux tripes et le transporte jusqu'au bout du roman et de la nuit. En ce sens, le Voyage est presque un roman à suspense : "que va-t-il encore déclamé Céline ? Quelle trouvaille littéraire il nous réserve encore ? "
La rhétorique soutenue, apprise sur les bancs de l'école, est la langue des puissants et de tous les garants de l'ordre social. Céline fait le choix de l'oralité populaire pour dénoncer cet ordre : alors que la langue traditionnellement usitée en littérature paraît habile mais creuse, la voix de Céline est crue mais riche et vraie.
L'argot est la langue des pauvres et des affranchis, de ceux qui ne respectent par les lois et les procédures langagières. Cet argot est renforcé par la syntaxe et le rythme même de la phrase, qui n'a plus rien à voir avec la structure classique SUJET + VERBE + COMPLÉMENT. Très souvent Céline place le terme clef en fin de phrase.
Céline nous a prévenu, à travers la lettre qui accompagne le manuscrit adressé à Denoël, son éditeur : le Voyage, c'est « du pain pour un siècle entier de littérature ». Et aussi prétentieux que cela puisse paraître, Céline était bien objectif sur son roman. Aucun livre au XXe siècle (et même au regard de l'histoire littéraire) n'a autant bouleversé les codes de composition que le sien.
Les chefs-d'œuvre de Céline
- Voyage au bout de la nuit (1932)
- Mort à crédit (1936)
- D'un château l'autre (1957)
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